L'eau dans la ville de Rome

La politique urbaine à Rome

L'architecture romaine, éléments et influences
L'action édilitaire des empereurs
Le décor urbain de la ville
Les organes urbains dans la ville
L'eau dans la ville
La sécurité
La préfecture de l'annone

L'eau dans la ville de Rome

1 Les services des eaux

1.1 Le personnel

Le service urbain des eaux est dirigé sous le Haut-Empire par un curateur des eaux, assisté de deux adjoints. L'ensemble du personnel du service des eaux possède du personnel technique et du personnel de bureau.

1.1.1 Le personnel technique

Au sommet se placent les architecti, ingénieurs hydrauliciens. Ce sont des chefs de service dont le rôle technique est énorme. Il comprend tout ce qui concerne la construction des aqueducs (captation des sources, établissement des profils, construction de conduites souterraines ou aériennes avec les rangées d'arches chargées de les soutenir, construction des siphons, des châteaux d'eau, installation des conduites de distribution) et entretien des ouvrages construits. L'ensemble des aqueducs et tout le service des eaux reposent sur ces ingénieurs.

Sous les ordres des architecti, le personnel d'exécution est divisé en deux catégories :

La distinction entre les deux personnels disparaît au cours du IIeme siècle; dès lors, il n'y a plus de personnel qu'impérial.

Ce personnel technique comprend diverses catégories de spécialistes : intendants (chargés de la construction et de l'entretien des conduites), gardiens de châteaux d'eau, inspecteurs, paveurs, stucateurs, niveleurs, plombiers, maçons, manoeuvres en tout genre.

À la tête de ce personnel étaient placés deux praepositi, un pour chaque familia. Le personnel régulier ne s'occupe que de l'entretien et des petits travaux courants. Les grands travaux sont adjugés par lots à des entrepreneurs, les fonds nécessaires étant fournis, selon le cas, par le Fiscus ou l'aerarium. Le personnel auxiliaire ainsi utilisé est donc, en raison de l'importance des travaux, beaucoup plus nombreux que le personnel ordinaire.

1.1.2 Le personnel de bureau

Il est chargé des écritures et de la comptabilité. Tout ce qui se rapportait à l'administration des eaux était conservé dans les archives du service (histoire de l'alimentation en eau de la ville de Rome, liste officielle des modules en usage, quantité d'eau attribuée aux édifices publics et aux particuliers). Frontin nous apprend qu'il avait fait exécuter des modèles de chacun des aqueducs, dotant ainsi le service d'un musée technique complet.

1.1.3 L'évolution du système

Ce système avait deux grands inconvénients : le chef du service, le curateur des eaux, n'est pas un technicien de la carrière, et sa fonction, la curatelle des eaux, ne constitue qu'un échelon passager dans la carrière sénatoriale. D'autre part, la pluralité des titulaires, malgré le rôle prépondérant assigné au président, entraîne du flottement dans un service complexe où l'unité de direction apparaît particulièrement nécessaire. Deux innovations vont s'efforcer d'y pallier :

  1. Création d'un procurator aquarum sous le curateur chef de service. Elle se fait sous le principat de Claude, un règne particulièrement important dans l'histoire du service tant par la construction de nouveaux aqueducs que par l'augmentation du service. Responsable de toute la partie technique du service, le procurateur signe de son nom et de son titre les conduites de distribution, et dirigeait probablement tout ou partie du personnel subalterne. Il est nommé sur proposition du chef de service.

    Cette création est capitale dans l'histoire du service des eaux. Elle ne porte pas atteinte à l'autorité du curateur sénatorial, mais le procurateur, un spécialiste, tend à possèder rapidement le pouvoir exécutif, aussi bien technique que financier.

  2. Suppression des deux curateurs adjoints, à une date indéterminée.

1.2 L'outillage

Dès sa création sous Auguste, le service des eaux possède un outillage considérable, dont les aqueducs (19 au temps des Régionnaires) et leurs annexes (châteaux d'eau, conduites, fontaines publiques) représentent l'essentiel. La République lègue à l'Empire quatre aqueducs, quatre autres sont construits sous le principat d'Auguste, et deux autres, commencés sous Caligula (37-41), sont achevés sous Claude. Ces aqueducs desservent à la fin du Iier siècle un total de 247 châteaux d'eau. Les conduites de distribution comportent vingt-cinq calibres différents, dont quinze seulement sont en usage.

Il y a trois sortes de bénéficiaires :

Aux points vitaux du réseau, notamment les châteaux d'eau, sont installés des postes de garde chargés d'assurer la bonne marche du service et de faire face aux accidents éventuels.

L'eau répond au triple objet de l'usage, la salubrité et la sécurité. Il s'agit tout d'abord de supprimer les pertes liées à la fraude : Frontin évalue les pertes aux deux cinquièmes de la consommation totale de Rome.

L'eau restée disponible est attribuée aux particuliers sous une triple forme :

1.3 L'hygiène à Rome

1.3.1 Les bains et les thermes

Dès le IIeme siècle, Rome possède des bains publics (balnea). Il y en a 170 au temps de l'édilité d'Agrippa, et leur nombre s'accroît rapidement sous l'Empire. Les Régionnaires donnent le nombre de 967.

Avec l'Empire font leur apparition à Rome des établissements balnéaires de luxe raffiné, union du bain, du gymnase et de la promenade, une conception architecturale d'origine italique (on en trouve à Pompéi dès le IIeme siècle) : les thermes. Les premiers du genre à Rome ont été les Thermes d'Agrippa au Champ de Mars, inaugurés en 19, où le type se complète par l'adjonction de jardins. En raison du grand succès rencontré par cette innovation auprès du public, nombre d'empereurs se hâtèrent par la suite d'imiter cet exemple. Ce furent successivement, et dans des conditions de somptuosité toujours croissantes :

Ce sont donc onze thermes qui existent au Bas-Empire. Leurs dimensions ainsi que la complexité de leurs services et de leur technique ne cessent de croître sous l'Empire. Les Thermes d'Agrippa faisaient environ 20 000 m², ceux de Trajan 110 000 m² et ceux de Dioclétien, les plus vastes de la Rome impériale, 148 000 m². 1 600 baigneurs pouvaient prendre place dans les thermes de Caracalla, et 3 000 dans ceux de Dioclétien.

Entre le bâtiment des thermes proprement dit et le péribole s'étendait un jardin, analogue à celui qui occupait le centre des grands portiques. Pour les heures chaudes de la journée, et aussi les jours de pluie, un portique périphérique, disposé le long du péribole, donnait asile aux promeneurs. Une série d'annexes s'y trouvaient également réparties : stade, palestre, gymnases, bibliothèques, salles de conversation et d'auditions littéraire ou musicale, un théâtre (Thermes de Caracalla). Ce sont également des musées. La fermeture a lieu au coucher du soleil, l'entrée est payante mais bon marché.

1.3.2 Les latrines

L'absence générale de latrines dans les appartements ou logements des étages rendaient nécessaires la multipication d'installations publiques, notamment dans les quartiers particulièrement fréquentés. L'eau y coulait sans arrêt dans des rigoles; les sièges en étaient de marbre et l'hiver un hypocauste y assurait le chauffage. L'exploitation en était louée à des fermiers, les conductores foricae. Selon les Régionnaires, il y en avait 144 au IVeme siècle pour l'ensemble de la ville, à quoi il faut ajouter, depuis la fin du IIIeme siècle, celles de l'enceinte d'Aurélien (plus de 116 au total).


Figure 1 : Les empereurs et l'eau

Agrippa

33

Construction des thermes d'Agrippa, inaugurés en 19. Comme édile, il joue un rôle essentiel dans la construction des égouts.

Auguste

27 avt J.-C.--14 ap. J.-C.

Quatre aqueducs sont construits sous son principat.

Tibère

14-37

Il crée la Commission du Tibre (Cura alvei Tiberis et riparum), placée sous la direction de 5 curateurs sénatoriaux. Cette commission s'occupe également des égouts.

Caligula

37-41

Deux aqueducs sont commencés, et terminés sous Claude.

Claude

41-54

Il crée la familia aquaria Caesaris, qui double la familia aquaria publica pour l'entretien du réseau des eaux. Les deux groupes fusionnent au profit du premier au IIeme siècle. Il crée le procurator aquarum qui seconde le curateur des eaux et est un responsable technique qui tend rapidement à avoir tout le pouvoir exécutif. Les membres de la Commission du Tibre ne sont plus tirés au sort, mais nommés par l'empereur. Des fonctionnaires équestres exceptionnels peuvent les assister. Ils deviennent permanents au IIeme siècle.

Néron

54-68

Thermes de Néron en 62.

Titus

79-81

Thermes de Titus, bâties sur une partie de la Maison d'Or de Néron.

Trajan

98-117

Thermes de Trajan, inaugurés en 109, qui fixent définitivement le schéma des thermes (un bâtiment au centre d'une place, entouré de jardins et d'annexes diverses).

La commission du Tibre prend le suffixe et cloacarum pour délimiter les fonctions des curateurs du Tibre et du curateur des eaux.

Commode

180-192

Thermes de Commode.

Septime Sévère

193-211

Thermes de Septime Sévère.

Caracalla

212-217

Thermes de Caracalla.

Sévère Alexandre

222-235

Il agrandit et restaure les thermes de Néron, qui prennent son nom.

Decius

249-251

Thermes de Décius.

Dioclétien

284-305

Thermes de Dioclétien.

Constantin

307-337

Thermes de Constantin.


2 Les autres services

2.1 Le Tibre

Il s'agit de l'entretien du lit du fleuve et de ses berges (bornage par des cippes et entretien des quais existants). Le service de la Cura Alvei Tiberis et riparum, créé par Tibère en 15, est placé sous la direction de cinq curateurs sénatoriaux. Il se maintient sous sa forme originale jusqu'à Constantin; mais si dans l'ensemble la forme subsiste, la réalité du service subit d'importantes transformations. Deux d'entre elles paraissent fondamentales ; la nomination par l'empereur, et l'introduction, au moins exceptionnellement, de fonctionnaires équestres dans le service.

2.1.1 La nomination par l'empereur

Le tirage au sort des membres de la commission du Tibre était une chose anormale alors que l'empereur nommait directement aux autres curatelles. Ce système se maintient cependant quelques temps par ménagement pour l'autorité sénatoriale, très attachée à ses privilèges urbains. Le changement, substituant la nomination directe au tirage au sort, se produit probablement sous Claude.

2.1.2 Apparition des fonctionnaires équestres

Dès sa création en 15, le service est d'ordre strictement sénatorial. Sous Claude, on voit apparaître, à titre purement exceptionnel d'ailleurs, deux fonctionnaires équestres, l'un et l'autre jouant auprès des curateurs sénatoriaux le rôle de procurateurs. Cette double innovation sous le règne de Claude est peut-être liée aux grands travaux exécutés par Claude à Ostie et sur le cours inférieur du Tibre.

Dans le courant du IIeme siècle, ces fonctionnaires exceptionnels font place à des fonctionnaires équestres permanents. Le service, sous les ordres du curateur, comprend toute une administration composée de fonctionnaires d'ordre équestre et surtout d'affranchis. Quand au personnel inférieur, chargé des travaux techniques, de la comptabilité et du maniement des fonds, il est formé surtout d'affranchis impériaux.

2.2 Les égouts

À l'époque républicaine, le service des égouts relève à la fois des censeurs et des édiles. Tous les cinq ans, les censeurs procèdent à l'adjudication des gros travaux nécessaires. Comme pour l'ensemble des services de police, les édiles ont la charge de l'entretien. La dictature de César et le second triumvirat ne changent rien à cet état de choses. La célèbre édilité d'Agrippa en 33 avant J.-C. constituera, pour le double développement du réseau et du service des égouts, une date essentielle. À la Cloaca Maxima sont ajoutées la Cloaca du Circus Maximus (qui draine une partie des eaux du Palatin, de l'Aventin et de Caelius) et la Cloaca du Champ de Mars (eaux du Pincio et du Quirinal). Les égouts aboutissent directement dans le Tibre.

Quand Agrippa sort de charge, en 32, rien n'est modifié; le service reste aux mains des édiles comme auparavant, et aucune innovation administrative n'intervient pendant tout le principat d'Auguste.

En 15, Tibère crée la curatelle du Tibre; les mots et cloacarum ne s'ajouteront que sous Trajan à l'appellation officielle. Cependant, dès cette époque le service des égouts est lié à celui du Tibre. Si Trajan rajoute une mention au nom officiel du service du Tibre (Cura alvei Tiberis et riparum et cloacarum), c'est sans doute pour délimiter nettement les fonctions des curateurs du Tibre et du curateur des eaux, qui avait dans son service les chasses d'eau destinées au nettoyage des égouts.

À défaut d'un «tout-à-l'égout» intégral que Rome n'a jamais connu, le service urbain des égouts a toujours rempli admirablement son office sous l'Empire. Au VIeme siècle, le système, soigneusement entretenu depuis des siècles, apparaît encore intact.


URL d'origine : http://historama.free.fr (fermé)

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